choisir une langue

Suivez-nous
sur les pages suivantes:

Accueil / Actualités

Actualités

0 Commentaire
UTICA Retour

Lundi 24 Decembre 2012

COMMENT LA LÉGALISATION DES ENTREPRISES ET DE LA PROPRIÉTÉ GENERE DE LA CONNAISSANCE

L’Occident est tombé par hasard sur la création d’une connaissance condensée, sans vraiment réaliser sa contribution à la mise en place d’une société basée sur la primauté de la loi officielle. En effet, la discipline des sciences économiques n´explique pas vraiment la façon dont les agents économiques mobilisent les connaissances dont ils ont besoin pour se faire mutuellement confiance, pour connaitre leur solvabilité, pour diviser le travail de façon productive et pour prendre des décisions efficaces.
En conséquence, l´importance de la légalisation pour le développement est extrêmement sous-estimée même si dans le passé il s’agissait d’une préoccupation majeure. Ibn Khaldoun avait déjà pressenti, dans les termes de son époque, que le réalisme fondé sur les faits était essentiel lorsqu’il écrivit que les entreprises bien organisées finiraient par supprimer celles qui appartenaient à de riches dirigeants. Marx s’était demandé où trouver les « liens et relations essentiels » qui permettaient aux individus de se connaître et de coopérer sur une grande échelle. Enfin, l’économiste autrichien du 20ème siècle, Friedrich von Hayek a consacré un livre entier pour faire valoir que le cerveau humain ne possédait pas les attributs sensoriels lui permettant d’accéder directement à la réalité économique.
Avec le temps, la majorité des économistes a soit esquivé le problème, soit emprunté à la philosophie les outils logiques permettant d’élucider le problème de la compréhension collective. Des concepts tels que celui de la main invisible, de la catallaxie, de l’épistème, du tiers-monde, du subconscient collectif, du rhizome de la connaissance et du Lebenswelt, ont stimulé la question de la connaissance dans le domaine de la métaphysique.
Toutefois, il fut un temps où certains économistes et juristes avaient compris ce qu´il fallait faire pour pallier son ignorance afin de générer de la confiance. Ils avaient même créé des institutions visant à structurer et transmettre la connaissance nécessaire au processus décisionnel. Bien que la lutte pour surmonter l’ignorance économique ait commencé avec Aristote au 4ème siècle avant J.C., celle-ci a véritablement été initiée au cours de la deuxième moitié du 19ème siècle, lorsque les plus grandes économies au monde ont connu une série sans précédent de révolutions sociales : des populations en colère et marginalisées, qui n’étaient pas en mesure de bénéficier d´une économie de marché élargie, sont descendues dans la rue en déstabilisant et renversant les gouvernements, de façon similaire à ce qui se produit aujourd’hui dans le monde arabe. 
Alors que dans la vieille Europe, où l’activité économique et la connaissance - notamment la féodalité, le patrimonialisme et le tribalisme -, étaient organisées sur une petite échelle, l´expansion des marchés dans le courant du 19ème siècle a détruit cette économie de proximité qui ne pouvait survivre qu’à une micro-échelle.
Des entrepreneurs extralégaux désorganisés sont descendus en masse dans les rues de presque toutes les villes, et les soulèvements sociaux et les manifestations sont devenus monnaie courante. Un clivage considérable est survenu entre ceux qui produisaient selon l’ordre légal écrit et ceux qui ne le faisaient pas, comme dans le monde arabe de nos jours.
Face à cette agitation, les réformateurs en ont conclu que les connaissances disponibles, qui étaient désordonnées et fragmentées, ne suffisaient pas pour permettre aux entrepreneurs et aux financiers d’établir la confiance et de diviser le travail à grande échelle. Il fallait rassembler, organiser, enregistrer, actualiser et diriger les connaissances afin que tous les acteurs des marchés en expansion, selon les propres termes du réformateur français Charles Coquelin, ‘puissent récupérer les milliers de filaments que les entreprises tissent entre elles et par là-même socialiser et réorganiser la production de façon flexible (…) afin de réadapter l’intelligence sociale de la société. »
Tout ceci a amené à ce que, de nos jours, on appellerait un programme de formalisation : tout d´abord un processus de description et d’organisation des aspects économiquement et socialement les plus utiles des actifs, immatériels (actions, effets de commerce, actes, livres des comptes, contrats, brevets, billets à ordre) ou matériels (terrain, bâtiments, navires, machines, animaux et livres). Ensuite vient l’enregistrement de ces informations sous forme de notes dans les livres de comptes, de registres, titres, bilans, relevés de compte, etc. Cette connaissance précise de qui était propriétaire de quoi et qui devait quoi, à qui et dans quelles circonstances a permis aux investisseurs d’estimer la valeur des actifs et de prendre des risques.
Mais quels sont les points communs entre la légalisation, l’enregistrement, la classification et la connaissance économique ? Beaucoup de choses. La connaissance est essentiellement un processus basé sur la mémoire. Il implique la sélection, la catégorisation et le stockage des informations dont nous avons besoin. La connaissance augmente progressivement en ce qu´elle nous force à analyser et à valider chaque intrant supplémentaire obtenu en vue de décider : lequel est important et qu’il convient de mémoriser, la façon dont il doit être rédigé et présenté, dans quel cadre il doit être décrit et la façon dont il doit être stocké afin d’être facilement récupéré. Seul ce que nous pouvons garder en mémoire, en parcourant les registres et en constatant la façon dont les différentes parties sont reliées entre elles, constitue les composants de l´économie.
Si l’on examine les pays les plus prospères, tout ce qui a une valeur économique est documenté et enregistré dans un système public et légal de mémoire. Les agents économiques sont en mesure de détenir, transférer, évaluer et certifier la valeur de leurs biens grâce aux documents qui ont été enregistrés et légalement authentifiés au moyen d´un corpus unifié de règles, procédures et normes. Le fait de que la relation entre ces documents et les biens et situations qu’ils décrivent soit toujours vérifiable permet de générer de la confiance. Il s´ensuit alors un flux de crédits et de capitaux qui permet le fonctionnement des marchés.
C’est ainsi qu’il y a près d’un siècle, la légalisation a précipité une révolution tout aussi importante que la révolution provoquée par l’invention de l’ordinateur personnel. Dans un monde qui regorge d’informations désordonnées produites par des acteurs extralégaux isolés, les nations avancées et les entreprises se sont vues contraintes de décider quelles étaient les informations relatives à la propriété et aux transactions qu’il fallait garder en mémoire. Et ensuite de les assembler, de les prioriser et de les décrire dans des actes juridiques, afin que ce qui est déclaré puisse être mesuré, comparé et certifié par une autorité responsable, et que leur véracité puisse être prouvée. Le résultat final de cette révolution a été une nouvelle forme de connaissance, actualisée en permanence, et se composant de faits économiques concis et organisés sur toute chose et tout individu d’importance, offrant ainsi la possibilité de diviser le travail à grande échelle.
Cette organisation et standardisation des informations pertinentes afin de générer de la connaissance a permis presque par inadvertance à l’Occident de faire un grand bond en avant vers la légalité et de frapper un grand coup contre l’extralégalité.

0 Commentaire

Ajouter un commentaire